- SURRÉALISME EN BELGIQUE
- SURRÉALISME EN BELGIQUESURRÉALISME EN BELGIQUERassemblés autour du peintre René Magritte (1898-1967) et de Paul Nougé (1895-1967), les surréalistes bruxellois, où apparaissent notamment Camille Goemans (1900-1960), E. L. T. Mesens (1903-1971), Marcel Lecomte (1900-1966) et le musicien André Souris (1899-1970), développèrent leurs premières activités à partir de 1924 mais ne se constituèrent en groupe que vers 1927. C’est à cette époque que les rejoignit aussi Louis Scutenaire (né en 1905). D’autres vinrent encore par la suite, comme Paul Colinet (1898-1957) ou Marcel Mariën (né en 1920), auquel on doit aujourd’hui l’édition de nombreux textes et documents concernant ce mouvement (tel le gros volume, L’Activité surréaliste en Belgique , Bruxelles, 1979).Publiés en 1924 et en 1925 par Nougé, Lecomte et Goemans, les vingt-deux tracts de Correspondance constituent un phénomène unique dans l’histoire du surréalisme. Ces feuillets consistaient en une critique «de l’intérieur» de textes dus à des contemporains majeurs (Breton, Valéry, Paulhan, Proust...); ils en indiquaient les défauts ou les limites par de subtiles transformations apportées aux citations et en révélaient ainsi «ce qu’ils avaient manqué dans le sens de plus de rayonnement». Pareille démarche montre combien, dès l’abord, les surréalistes bruxellois ne peuvent être considérés comme une simple filiale du groupe parisien. Nougé, leur théoricien, ne fut d’ailleurs jamais un adepte de l’écriture automatique, telle que Breton la préconisait. Ce penseur avide de rigueur intellectuelle et dont la radicalité de l’engagement artistique allait de pair avec celle de son engagement politique, s’intéressait surtout au fonctionnement du langage et au «pouvoir de déflagration» des mots, une fois qu’on prête attention à leurs infinies nuances. Il se livra notamment à de nombreux «exercices de transpositions», où se trouve déformé et pris en écharpe un langage usuel et rigoureusement codé (slogans, manuels scolaires, etc.), expérimentant ainsi une recherche qui visait à remettre en cause nos habitudes mentales et qui ouvrait la voie à la création d’«objets bouleversants». Toute l’œuvre de Nougé (rassemblée plus tard sous les titres L’Expérience continue et Histoire de ne pas rire ) va dans le sens de cette volonté de transformation du réel par l’activité créatrice, activité sans cesse doublée par l’examen critique de son processus. Cette attention extrême au langage se retrouve également chez la plupart des compagnons de Nougé, qui utilisent abondamment le jeu de mots sous toutes ses formes, de même que toutes les virtualités du pastiche et de la réécriture (ou encore, comme Goemans, des techniques de dissimulation: l’auteur de Périples déguisait en prose des suites d’alexandrins). Les Inscriptions (1945, 1976, 1981) de Scutenaire sont des livres composés de brefs fragments, aphorismes, boutades, calembours d’aspects les plus divers où se profile une vision du monde très libertaire. Autre procédé: dans Les Jours dangereux, les nuits noires (1972), le même auteur effectue un montage de citations mais en pratiquant au sein de celles-ci des coupes aux conséquences sémantiques remarquables. Chez Colinet (Les Histoires de la lampe , 1942), c’est, entre autres, aux ressources et aux saveurs inattendues de l’énumération poétique qu’il est souvent fait appel pour scruter un univers en apparence très humble et très banal mais où apparaissent alors d’étranges failles.Quant à Marcel Lecomte, qui est sans doute, avec Nougé, l’écrivain le plus important du groupe, il se maintint toujours à quelque distance de ses compagnons. Plus attaché que ceux-ci à l’expérience littéraire en tant que telle, cet ami de Paulhan s’efforça, à travers toute son œuvre (Applications , 1925; Le Vestige du réel , 1936; L’Accent du secret , 1944; Le Suspens , 1971), de cerner les instants privilégiés où apparaît du monde une résonance seconde, une réalité mystérieuse et cachée. Dans des textes relativement brefs où se développent de lentes et minutieuses descriptions, il pratiqua ainsi un «détournement des apparences» au profit de la découverte d’un vertigineux réel. Lecomte tint également, sa vie durant, de multiples chroniques qui font de lui un des observateurs les plus intéressants de la vie littéraire et artistique de 1920 à 1960.Diverses publications émaillèrent l’activité du groupe bruxellois, des tracts, des catalogues d’expositions, des revues éphémères: Marie (1926-1927), Distances (1928), Le Sens propre (1929). Surréalistes bruxellois et parisiens se mêlent au sommaire des numéros spéciaux de la revue Variétés , «Le Surréalisme en 1929», et de Documents 34 , «Intervention surréaliste». Mais en 1935, dans le numéro 3 du Bulletin international du surréalisme , publié à Bruxelles, de nouveaux noms apparaissent. S’il s’agit encore de surréalistes belges, c’est à un autre groupe cette fois qu’ils appartiennent, le groupe Rupture, qui vient de se créer en Hainaut, à La Louvière, et dont les figures dominantes sont Achille Chavée (1906-1969), Fernand Dumont (1903-1945), Marcel Havrenne (1912-1957) et André Lorent (né en 1905). Éphémère — sa revue Mauvais Temps (1935) n’aura qu’un numéro —, le groupe éclatera, en 1938, entre staliniens et trotskistes. Les premiers, Chavée et Dumont, créeront alors un Groupe surréaliste du Hainaut, qui ne durera guère lui non plus. Fait exceptionnel pour une ville de province, en 1935 avait été organisée à La Louvière une Exposition surréaliste où figurèrent tous les grands peintres du mouvement (Ernst, Tanguy...).Chavée, qui fut l’animateur de Rupture, a laissé une œuvre très abondante, faite d’accumulations lyriques, d’aphorismes et de considérations poétiques sur le quotidien, où il recense illuminations et dérisions de l’existence. Quant à Dumont, disciple inconditionnel de Breton, il est notamment l’auteur de contes admirables, où l’inspiration romantique se mêle à l’imagerie surréaliste (La Région du cœur , 1939) et d’un long essai, Dialectique du hasard au service du désir , qu’il rédigea de 1935 à 1942 et où il détaille le rôle prémonitoire joué par certains de ses écrits sur les événements affectifs de sa vie.Après la guerre, de nouvelles revues perpétuent l’activité surréaliste en Belgique, parmi lesquelles Le Ciel bleu (1945), Les Deux Sœurs (1946-1947), Les Lèvres nues (1954-1960 et 1969-1975), Rhétorique (1961-1966) et Le Vocatif (depuis 1973). D’autres groupes se formèrent également, dont le groupe Haute Nuit en Hainaut (1947) et Le Surréalisme révolutionnaire (1947-1948) qui constitua la dernière tentative pour concilier les points de vue communistes et surréalistes et où apparut la figure de Christian Dotremont (1922-1979), le futur animateur de Cobra et l’inventeur des logogrammes.
Encyclopédie Universelle. 2012.